Etude multicentrique, non randomisée, non comparative, en ouvert, visant à démontrer une corrélation entre la correction de l'hémoglobine et la capacité à recevoir une chimiothérapie chez des patients atteints de cancer et présentant un état général PS > 2.
La mise en place de toute chimiothérapie dans la prise en charge d'une tumeur chimiosensible ou d'un cancer avancé est conditionnée par de nombreux facteurs. Elle est essentiellement fonction du type, du stade et de la localisation de la tumeur, mais elle dépend également de l'état général et fonctionnel du patient, de son âge, de la présence de pathologies viscérales (rénale, hépatique, cardiaque, pulmonaire), des traitements concomitants et antérieurs et du bilan hématologique. L'administration d'une chimiothérapie fait l'objet de nombreuses recommandations d'institution en fonction du type de tumeur [1].
Le cancer s'accompagne fréquemment d'une altération de l'état général, d'une asthénie, d'une anémie ou d'une dénutrition. D'étiologie diverse, ces conditions conduisent souvent le clinicien à exclure ou retarder la mise en place d'un traitement cytotoxique, même lorsque celle-ci a fait ses preuves et que toutes les conditions spécifiques à chaque type de tumeur sont remplies et que l'intérêt d'une chimiothérapie a été démontré. A ce stade, ces patients reçoivent un traitement symptomatique ou palliatif.
L'état général d'un patient atteint de cancer est évalué en fonction de la classification de Karnofsky ou de l'échelle de valeur de l'ECOG (Eastern Cooperative Oncology Group ou /Zubrod/OMS). Ces 2 échelles reconnues et largement utilisées par le clinicien évaluent l'état fonctionnel du patient (performance status), ainsi que l'impact des symptômes sur son activité. L'échelle de l'ECOG s'échelonne de 0 à 5 (annexe 3). Il est généralement admis qu'un patient évalué entre 0 et 2, peut être traité par une chimiothérapie cytotoxique.
Anémie et cancer
La fréquence de l'anémie est importante chez le patient porteur de cancer, elle varie de 10 à 40% selon les types de néoplasie et de chimiothérapie. Elle peut être soit liée à la pathologie elle même (anémie des maladies chroniques, anémie inflammatoire, hémorragie, hémolyse, envahissement médullaire...), soit aux effets du traitement (chimiothérapie ou radiothérapie). Ces causes sont le plus souvent multiples chez un même patient [2-4]. L'anémie par les symptômes cliniques qu'elle entraîne, constitue souvent un facteur limitant la qualité de la prise en charge des patients atteints d'un cancer. Elle peut affecter l'efficacité d'un traitement du cancer, réduire l'observance au traitement et contraindre parfois le thérapeute à une réduction du traitement laissant hypothéquer les chances de guérison [4-6].
Fatigue et cancer
L'anémie peut causer une fatigue et un épuisement intense. La fatigue s'est révélée, au cours d'une étude auprès de 419 patients traités par une chimiothérapie, être le symptôme dont les patients (61%) se plaignent le plus souvent et qui les gêne le plus dans leur activité quotidienne [7], alors que leurs cliniciens estimaient que la douleur représentait l'handicap le plus important chez ces mêmes patients [8]. Des essais cliniques ont étudié la relation entre la fatigue et la qualité de vie des patients. Ils ont montré que la fatigue s'accompagne le plus souvent d'une détérioration de la qualité de vie, d'une morbidité fonctionnelle et d'une détresse psychologique [9,10].
Qualité de vie et cancer
La corrélation entre la fatigue et l'anémie, ainsi que l'effet de la fatigue sur la qualité de vie, ont été établis par de nombreuses études cliniques internationales, méthodologiquement rigoureuses [10,13]. La qualité de vie des patients était évaluée par des échelles de qualité de vie reproductibles et fiables. Les études évaluant l'effet direct de l'anémie du cancer sur la qualité de vie sont moins nombreuses et leur méthodologie est variée (14). La majorité de ces études ont conclu que la prise en charge de l'anémie produisait une amélioration de la qualité de vie des patients ou de leur état fonctionnel –ECOG – [15-22] et montraient une corrélation entre l'amélioration de la qualité de vie du patient et l'augmentation du taux d'hémoglobine. Ces études ne prenaient pas en compte la réponse antitumorale, la progression de la maladie ou la toxicité des traitements qui influent également sur la qualité de vie.Peu d'études ont évalué la relation entre l'état général et fonctionnel du patient et l'anémie dans le cancer avant ou même au cours d'une chimiothérapie. Une étude récente multicentrique en ouvert, évaluant la qualité de vie, l'efficacité et la tolérance de l'érythropoïétine humaine recombinante alfa (epoetine alfa) chez 400 patients anémiés atteints de cancer a été réalisée au Canada par Quirt et al [23,24]. Un groupe de 218 patients a été traité par chimiothérapie et l'autre groupe de 183 patients n'a pas reçu de chimiothérapie. Tous ont été traités par l'epoetine alfa à la dose de 150 UI/kg en sous cutané trois fois par semaine pendant un maximum de 16 semaines, la dose a été doublée à 300 UI/kg chez les patients ayant une réponse insuffisante (hémoglobine augmentation <1g/dl en 4 semaines). Les résultats ont montré dans les 2 groupes de l'étude, une amélioration statistiquement et cliniquement significative de la qualité de vie des patients basée sur diverses échelles EUROQoL, FACT-An -Functional Assessment of Cancer Therapy-Anemia- [25] et une échelle analogue d'évaluation linéaire 100 mm (LASA 100-mm linear analog scale assessment). Les taux d'hémoglobine ont augmenté de manière significative (p<0.001) et le taux d'hémoglobine a augmenté de 2,5 g/dL. Bien que le score ECOG n'ait pas changé de manière significative entre le début et la fin du traitement, une corrélation significative a été observée entre l'augmentation du taux d'hémoglobine et l'amélioration de l'ECOG (r = -0.33 ; p = 0.0001 dans le groupe non traité par chimiothérapie et r = -0.24 ; p = 0.0003 dans le groupe sous chimiothérapie) L'amélioration de la capacité fonctionnelle était similaire à l'amélioration de la qualité de vie.
Anémie du cancer et érythropoïétine recombinante humaine
La prise en charge de l'anémie repose sur différentes modalités, l'une d'elle est l'administration d'une érythropoïétine recombinante humaine –rHuEPO-, dont la darbepoetin alfa (AranespÒ) fait partie [4, 26, 27]. Son efficacité et son caractère peu toxique sont aujourd'hui bien établis et largement reconnus [15,22,28-31]. La darbepoetin alfa stimule l'érythropoïèse selon le même mécanisme que celui de l'hormone endogène. Elle est aujourd'hui indiquée dans le traitement de l'anémie liée à une insuffisance rénale chronique chez l'adulte et l'enfant à partir de 11 ans ainsi que dans le traitement de l'anémie chez des patients adultes atteints de tumeurs solides (pathologies malignes non hématologiques) et recevant une chimiothérapie [32]. La darbepoetin alfa corrige et maintient les concentrations d'hémoglobine chez des patients atteints de cancer [33-34]. Les effets cliniques sont minimes, lors des études cliniques avec la darbepoetin alfa administrée par voie sous cutanée, l'incidence de l'hypertension artérielle et d'évènements cardiovasculaires et thrombotiques a été comparable chez les patients cancéreux recevant du placebo, de la r-HuEPO ou la darbepoetin alfa. En général, les effets secondaires rapportés lors des essais cliniques avec la darbepoetin alfa chez les patients cancéreux recevant une chimiothérapie concomitante, correspondaient à la pathologie sous-jacente et étaient cohérents avec ceux associés à la chimiothérapie [15, 22,29-32,35].
Traitements de support dans le cancer
Les autres traitements de support dont peut bénéficier un patient anémié porteur de cancer, à l'état général altéré, sont basés sur une prise en charge nutritionnelle, les orexigènes, (corticoïdes et progestatifs de synthèse) qui augmentent l'appétit du patient et induisent une prise de poids. Bien qu'aucun corticoïde ne possède d'autorisation de mise sur le marché dans le traitement ou la prévention de la perte de poids ou l'anorexie du patient porteur de cancer, leur effet orexigène est reconnu, leur administration entraîne une augmentation significative de l'appétit et un effet bénéfique sur l'évolution du patient porteur de cancer [36]. La prednisolone, la prednisone, la méthylprednisolone et la dexaméthasone sont généralement utilisées à des doses variées.
Rationnel de l'étude
Peu d'études ont évalué la corrélation entre l'anémie et l'état général du patient porteur de cancer avant toute chimiothérapie. L'objectif principal de cette étude, à bénéfice individuel direct, est d'évaluer l'impact d'un traitement de l'anémie par la darbepoetin alfa sur l'altération de l'état général (ECOG > 2) de patients atteints d'une tumeur chimiosensible pour laquelle une chimiothérapie pourrait être indiquée et présentant un état général qui ne leur permet pas de recevoir une chimiothérapie.L'amélioration de l'état général pourrait permettre à certains patients de bénéficier de l'administration d'un traitement cytotoxique adapté à leur tumeur.Afin d'évaluer de manière précise l'impact de la correction de l'anémie sur l'état général du patient et l'amélioration du score ECOG, l'administration des corticoïdes chez les patients inclus dans l'étude, sera limitée à une corticothérapie à faible dose ou de courte durée. La darbepoetin alfa a été choisie pour le traitement de l'anémie en raison de son schéma d'administration simple d'une injection par semaine par voie sous cutanée ou intra-veineuse. Les doses administrées seront de 2,25 µg/kg/semaine ce qui correspond à la posologie généralement recommandée, la durée maximale sera de 3 mois.
Mise en évidence de l'amélioration de l'état général des patients apporté par le traitement (mesurée par le « Performance Status » ou PS).
Objectifs secondaires :
- Proportion de patients recevant une chimiothérapie à l'issue du traitement
- Evaluation du gain de poids
- Evaluation de la qualité de vie par le questionnaire EUROQoL
- Evaluation de l'augmentation du taux d'hémoglobine.
Etude multicentrique, non randomisée, non comparative, en ouvert avec bénéfice individuel direct. Durant l'étude les patients seront traités pendant 12 semaines, à raison d'une injection sous cutanée ou intraveineuse par semaine de darbepoetin alfa. Un bilan biologique sera réalisé toutes les 2 semaines.Les patients devront se rendre à 7 visites au total une visite d'inclusion et 6 visites de suivi (soit 2 visites par mois), au cours de ces visites le médecin évaluera l'évolution du poids, l'ECOG et le questionnaire EUROQoL.
Il sera proposé aux patients (PS >2), un traitement par la Darbepoetin alfa (Aranesp) en plus des soins de supports habituels (corticothérapie, faible dose autorisée et forte dose limitée à 14 jours), pendant une durée maximale de 3 mois.
Posologie de la Darbepoetin alfa (Aranesp)2,25 µg/kg une fois par semaine, par voie sous cutanée (SC) ou intra veineuse (IV).
· Patients, homme ou femme,
· Age >ou égal à 18 ans
· Tumeur solide pouvant bénéficier d'une chimiothérapie, non réalisable à cause de l'altération de l'état général du patient.
· Etat général insatisfaisant, défini par un « performance status » (classification ECOG) supérieur à 2,
· Espérance de vie >ou égale à 3 mois.
· Taux d'hémoglobine < ou égal à 12,5 g/dl
· Contraception efficace pour les femmes en âge de procréer
· Consentement éclairé daté et signé.
· Pathologie maligne lymphoproliférative
· Femme enceinte, susceptible de l'être ou en cours d'allaitement,
· Contre-indications spécifiques au traitement étudié,
· Présence ou antécédents de maladie auto-immune,
· Hypersensibilité à la darbepoetin alfa, à la r-HuEPO ou à l'un ses excipients.
· Hypertension artérielle mal contrôlée.
· Métastases cérébrales non contrôlées, symptomatiques ou asymptomatiques,
· Antécédents ou maladie psychiatrique évolutive,
· Infection active ou autre pathologie grave sous-jacente susceptible d'empêcher le patient de recevoir le traitement,
· Antécédents de cancer autre qu'un baso-cellulaire cutané ou un épithélioma in situ du col utérin,
· Antécédents d'allogreffe ou d'autogreffe,
· Délai de 2 mois entre une autre chimiothérapie, radiothérapie, immunothérapie, hormonothérapie et notamment avec une autre molécule en développement,
· Nécessité d'une corticothérapie à forte dose, pendant plus de 14 jours,
· Inclusion dans un autre protocole d'essai thérapeutique avec une molécule expérimentale (pendant la présente étude ou dans les 2 mois précédant l'inclusion),
· Sérologies positives connues (HIV, HbC, HbS),
· Impossibilité de se soumettre au suivi médical de l'étude pour des raisons géographiques, sociales ou psychiques.
La durée du traitement reconstituant sera de 3 mois maximum. Des évaluations biologiques (mesure du taux d'hémoglobine) seront effectuées de manière bimensuelle. Le traitement par Darbepoetin alfa (Aranesp) pourra être poursuivi même après que le traitement ait été terminé.
Durée du traitement : 3 mois
Durée de la période d'inclusion : 18 mois
Durée totale de l'étude : 21 mois
Date estimée de début des inclusions :
Date estimée de la dernière visite du dernier patient.