Etude de phase randomisée II évaluant l'effet du célécoxib en traitement d'entretien dans le cancer pulmonaire non à petite cellule de stade IIIb répondeur ou stable après une radio-chimiothérapie
Justification de l'étude
Avec 25 000 nouveaux cas par an en France, les cancers bronchiques constituent la 1ère cause de mortalité par cancer chez l'homme et la 3ème cause de décès chez la femme avec une incidence croissante. 80 % de ces cancers pulmonaires sont constitués de cancers non à petite cellule (CPNPC). Le pronostic de ces patients reste péjoratif puisque au moment du diagnostic, seulement un tiers des patients présentent une tumeur accessible à un traitement chirurgical. Les tumeurs de stade IIIb et IV sont d'emblée inextirpable et leur traitement repose sur une association radiothérapie plus chimiothérapie dans le but d'augmenter la survie de cette population en améliorant le contrôle local et en diminuant le risque de récidive métastatique.
L'association radio-chimiothérapie
La radiothérapie a longtemps été le traitement de référence de ces tumeurs inopérables avec des taux de survie faible à 2 et 5 ans ne dépassant guère 20 % et 5 % respectivement. L'association d'une chimiothérapie néo-adjuvante a permis d'améliorer ces résultats sur la survie par rapport à la radiothérapie seule, que l'association soit administrée de façon séquentielle ou concomitante. Les protocoles de radiothérapie et chimiothérapie séquentiels associent 2 ou 3 cycles d'une chimiothérapie d'induction suivis d'une radiothérapie. Cette association thérapeutique a l'avantage théorique de lutter précocement contre la dissémination micrométastatique mais n'exploite pas les propriétés radiosensibilisantes des drogues. Sous réserve d'utiliser un dérivé du platine, cette association thérapeutique a montré une amélioration significative de la survie à 2 ans qui varie entre 23 et 32 % contre 13 à 19 % dans le bras contrôle. Dans ces études, l'amélioration de la survie était liée à une diminution de 20 % du taux de métastases alors qu'il y avait un taux élevé d'échec local (15 et 17 % de contrôle local à 1 an).Les associations concomitantes de radiochimiothérapie consistent à administrer une ou plusieurs drogues au cours d'une radiothérapie conventionnelle ou hyperfractionnée. Les 1er essais ont montré l'intérêt du cisplatine permettant une amélioration de la survie à 16 % à 3 ans avec le traitement combiné contre 2 % dans le groupe contrôle. Dans ces essais, l'effet positif était plus lié à une amélioration du contrôle local sans amélioration de la survie sans métastase.Aussi, l'utilisation du cisplatine constitue la base de la chimiothérapie concomitante mais l'incidence élevée des métastases à distance incite à associer au cisplatine une autre drogue active pour améliorer encore le contrôle local et lutter plus efficacement contre la dissémination à distance.Ainsi, les produits utilisés dans cette association de chimiothérapie présentent tous un pouvoir radiosensibilisant dans le CPNPC : les sels de platine, l'étoposide, l'ifosfamide et les taxanes. L'association cisplatine-étoposide a été utilisée dans différentes études : celle de la SWOG présentant un taux de survie à 3 ans de 26 %. Parmi ces drogues, les taxanes bloquent les cellules en G2/M en stimulant la polymérisation des tubules et en inhibant leur dépolymérisation. L'un de ces réprésentants est le Taxotere® ( docetaxel ). Une étude de phase III , chez des patients atteints d'un CBNPC inopérable et non pré- traités , recevant l'association docetaxel – carboplatine ou vinorelbine –cisplatine, a montré respectivement un taux de survie à 2 ans de 18% et 14%. L'évaluation de la qualité de vie a montré une tendance favorable pour le bras docetaxel-carboplatine ;Plusieurs études de phase II évaluant Le Taxotere en monothérapie associé à la radiothérapie concomitante a montré un taux de réponse allant jusqu'à 80 % .
Choy a évalué dans une étude de phase I l'association Taxotere-Paraplatine associée à une radiothérapie concomitante chez des patients présentant un CBNPC de stade III, non résécable. Taxotere était administré à la dose de 20 mg/m2 / semaine ( 8 patients ) ou 30 mg/m2/semaine ( 3 patients) associé au Paraplatine AUC 2 . La radiotérapie était administrée 5 jours par semaine pendant 6 semaine pour une dose totale de 60 Gy . Aucune toxicité hématologique ou non hématologique de grade 4 n'a été observée. A la dose de 20 mg/m2 a été observé 3 cas de leucopénie grade 3 ; à la dose de 30 mg/m2 1 cas d'anémie grade 3. Une oesophagite grade 3 fut observée à la dose de 20 mg/m2, 3 cas à la dose de 30 mg/m2. Deux cas de toxicités pulmonaires grade 3 observées à la dose d e 20 mg/m2 .Parmi les 9 patients évaluables pour la réponse : un taux de réponse global de 67 % a été observé avec 1 RC (11%) et 5 RP .La dose recommandée , dans cette étude , est Taxotere 20 mg/m2 associé à carboplatine AUC 2 et radiothérapie concomitante à la dose de 2Gy/jour ; 5 jours / semaine pour une durée totale d e 6 semaines ;Une étude japonaise de phase I ( Murakami) a évalué l'association Taxotere 20m/m2 hebdomadaire associé à Paraplatine AUC 1-1,5 hebdomadaire et une radiothérapie concomitante de 6 semaine pour une dose totale de 60 Gy .12 patients ont été inclus , 92 % de RP ; les toxicités observées étaient : oesophagite, pneumonie radique considérées par les auteurs comme tolérables .
La cyclo-oxygénase de type 2 dans le cancer du poumon
Des études épidémiologiques avaient suggéré une réduction de l'incidence des cancers du poumon avec un Odd Ratio à 0,68 sous traitement continu par aspirine ou AINS. La cible principal de l'aspirine et des AINS semble être principalement la cyclo-oxygénase, enzyme nécessaire au métabolisme de l'acide arachidonique en prostaglandines et autres eicosanoïdes. Les mécanismes d'action anticancéreux des anti-inflammatoires sont probablement multiples et semblent impliquer, via une inhibition du métabolisme des prostaglandines au sein de la tumeur, des modifications des fonctions immunitaires, du pouvoir métastatique, voire du métabolisme d'agent cocarcinogène. Récemment, 2 gènes de la cyclo-oxygénase ont été mis en évidence : la COX1 constitutive et la COX2 inductible. Une sur-expression constitutive de la cyclo-oxygénase de type 2 a été trouvée dans de nombreuses tumeurs chez l'homme comme chez l'animal. Le rôle pathogène de cette coenzyme dans l'initiation et la croissance tumorale colique a maintenant été largement démontré chez l'animal après blocage ou au contraire surexpression de la COX2 entraînant respectivement une réduction ou une stimulation de la croissance tumorale.Une augmentation de l'expression de la COX2 dans les CPNPC, essentiellement les adénocarcinomes, a été mise en évidence suggérant un rôle pathogène dans la carcinogenèse pulmonaire depuis l'apparition des lésions pré-cancéreuses jusqu'au développement des métastases. Des études cliniques et précliniques ont montré que la sur-expression dans les CPNPC de la COX2 était associée à une diminution des défenses immunitaires, une inhibition de l'apoptose, une stimulation de la néo-angiogenèse tumorale favorisant ainsi la croissance et le pouvoir métastatique de ces cancers.
Des équipes ont recherché une signification pronostique à l'expression de COX2 dans la tumeur. Si aucune corrélation n'a été mise en évidence entre l'expression de COX2 et la survie des patients ou des facteurs clinico-pathologiques tel que l'âge, le tabagisme, le stade tumoral, un rôle précoce probable dans la carcinogenèse pulmonaire, une corrélation entre l'expression de COX2 et une diminution de la survie a été mise en évidence dans un sous-groupe de patients atteints d'un cancer stade I, pas chez les patients avec atteint stade II / III.
Intérêt des inhibiteurs de la COX2 dans le cancer du poumon
La découverte de l'isoenzyme 2 de la cyclo-oxygénase il y a une 10aine d'année a permis de développer des anti-inflammatoires spécifiques de la cyclo-oxygénase de type 2. Des études in vitro et chez l'animal ont rapidement positionné les inhibiteurs de la COX2 comme un agent anticancéreux, cytostatique. Au niveau cellulaire, l'effet antitumoral des anti-cox2 a été particulièrement étudié au niveau du cancer colo-rectal et semble mettre en jeu différentes voies d'action : inhibition de la prolifération cellulaire, induction de l'apoptose, inhibition de l'angiogenèse, diminution de l'activation de carcinogènes intracellulaires et stimulation du système immunitaire. Ces effets sont probablement liés en majorité aux modifications du métabolisme de l'acide arachidonique, mais d'autres mécanismes d'action intracellulaires propres à la molécule ne peuvent pas être exclus.L'effet anticancéreux des antiCOX2 a été démontré dans des études in vitro avec une inhibition de la prolifération de lignées cellulaires de CPNPC de façon dose dépendante sous anti-COX 2. De même, des inhibiteurs de COX 2 ont entraîné une réduction significative de la taille tumorale dans des modèles de CPNPC chez la souris.
Justification de l'étude
In vitro, l'apport d'un anti-COX2 est responsable d'une chimiothérapie et d'une radio-sensibilisation des cellules tumorales. Compte- tenu de ces éléments et de l'absence d'étude de tolérance de l'association du célécoxib avec un traitement comprenant une chimiothérapie basée sur Taxotère/platine et une radiothérapie, le but de cette étude sera d'évaluer l'intérêt d'un traitement d'entretien par célécoxib après la radio-chimiothérapie.
· Tolérance du traitement
· Survie globale
· Qualité de vie
· Evolution du poids
· Réponse objective après le traitement de radio-chimiothérapie concomitante
- Radiothérapie 60 Gy (+ 5 Gy si RT conformationnelle)
- Split course possible à 40 Gy à définir initialement par centre avec enregistrement initial du patient
- Taxotère 20 mg/m2 perfusion IV à J1, suivi de Carboplatine AUC 2 perfusion IV à J1, 1 fois par semaine pendant 6 semaines concomitante à RT
- Une prémédication par corticoïdes est systématique avant chaque perfusion de Taxotère
Randomisation SI RC ou RP ou SD
Traitement célécoxib : 800 mg par jour par voie orale (400mg matin et soir) jusqu'à progression, événement indésirable grave ou refus du patient ou 2 ans pour les patients en réponse complète ou non progressif
Pour être admis dans l'essai, les patients devront satisfaire à tous les critères suivants :
· Cancer du poumon non à petites cellules histologiquement ou cytologiquement prouvé, stade IIIb, non opérable, sans épanchement pleural atteinte apexienne, T4 exclus
· Candidat pour une 1ère ligne de radio-chimiothérapie basée sur l'association Taxotère / carboplatine conformément au protocole,
· Volume tumoral incluable dans un volume d'irradiation compatible avec la dose de 60 Gy
· Age compris entre 18 et 75 ans,
· Au moins une cible mesurable,
· Performance Status (OMS) · Espérance de vie > 12 semaines,
· Consentement écrit signé avant toute procédure liée à l'étude,
· Patient acceptant de suivre l'étude et de suivre les visites obligatoires,
· Aucune pathologie justifiant la prise régulière d'un traitement anti-inflammatoire non stéroïdien (AINS) par voie orale ou d'aspirine, quelle que soit la dose (utilisation d'aspirine ou d'un AINS pendant une semaine au cours des 3 derniers mois),
· Fonction cardio- ventilatoire compatible avec une irradiation
· Fonction biologique selon les critères suivants:
- Polynucléaires neutrophiles >ou égales à 2.10 puissance9/l,
- Plaquettes >ou égales à 100.10puissance9/l,
- Hémoglobine >ou égale à 10 g/dl,
- Créatininémie < ou égale à 1,5 x Limite Supérieure de la Normale (LSN) du centre,
- Bilirubine totale
Critères de non-inclusion
· Cancer du poumon opérable, · Patient non irradiable: fonction cardio-ventilatoire initiale , volume d'irradiation non compatible avec la dose tumorale d'irradiation de 60 Gy
· Femme enceinte ou en période de lactation,
· Patient recevant un traitement pour une pathologie ulcéreuse gastro-duodénale dans le mois précédant l'inclusion dans l'étude,
· Antécédents de cancers survenus depuis moins de 10 ans exceptés les cancers cutanés baso-cellulaires et les cancers in situ du col utérin traités
· Pathologie infectieuse évolutive,
· Antécédents d'alcoolisme, d'abus de narcotiques (toxicomanie),
· Entérocolopathie inflammatoire connue,
· Antécédent connu d'insuffisance cardiaque congestive sévère, d'insuffisance hépatique sévère, (albuminémie < 25 g/l ou score de Child-Pugh ³ 10), d'insuffisance rénale sévère (clairance de la créatinine estimée < 30 ml/min)
· Hypersensibilité connue aux sulfamides, au principe actif ou à l'un des excipients du Celebrex,
· Hypersensibilité au polysorbate 80
· Hypersensibilité aux AINS, à l'acide acétylsalicylique ou aux inhibiteurs de la COX-2 (bronchospasme, rhinite aiguë, polypes nasaux, oedème angioneurotique, urticaire ou autre réaction allergique),
· Traitement en cours par fluconazole, kétoconazole, lithium, dextrométhorphane,
· Patient qui pour des raisons familiales, sociales, géographiques ou psychologiques ne pourrait être suivi correctement.
· Patient participant à un essai clinique dans les 30 jours précédant l'inclusion
Critères secondaires : Comparaison entre les 2 groupes
· Profil de tolérance
· Taux de survie globale à 2 ans
· Qualité de vie
· Statut nutritionnel évalué sur l'évolution du poids
· Evaluation de la réponse scanographique et endoscopique
Il n'existe pas à l'heure actuelle de données fiables permettant d'évaluer le bénéfice que l'on peut attendre de l'utilisation du célécoxib dans ce type de cancer et donc de calculer correctement le nombre de patients à inclure pour des études comparatives. Pour cette raison, il a été décidé d'évaluer préalablement l'intérêt de ce traitement, auprès de 80 patients.
Ce nombre nous permettra de disposer d'une bonne évaluation du bénéfice observé (et de sa variance) et de la faisabilité pour la mise en place consécutive d'une étude comparative de phase III.