Les Recommandations Thérapeutiques
|
|
|
|
|
|
|
|
Les cancers bronchiques |
|
Généralités
|
|
1. L’épidémiologie
Les cancers bronchiques représentent la 1ère cause de mortalité par cancer dans les pays industrialisés; ils sont responsables de 16% des décès liés à un cancer. En France, l’incidence en est de 25 000 nouveaux cas par an, avec un sex-ratio de 4 hommes pour une femme.
Le tabac est responsable de plus de 80% des cancers bronchiques. Même un tabagisme passif multiplie le risque par 1,35. Une cause professionelle peut être attribuée à 10 ou 15% des cancers bronchiques; l’exposition à l’amiante est celle la plus souvent reconnue.
2. L’anatomopathologie
On distingue deux types principaux de cancers bronchiques:
- les carcinomes bronchiques non à petites cellules comptent pour 80 à 90% des cancers bronchiques (Leur incidence est en hausse, notamment chez les femmes ); - les carcinomes bronchiques à petites cellules comptent pour 10 à 20 % (Leur incidence est en baisse).
Les carcinomes non à petites cellules sont eux-mêmes subdivisés en trois sous-types principaux: les adénocarcinomes, les carcinomes épidermoïdes et les carcinomes indifférenciés à grandes cellules.
3. Le bilan
Le bilan de la tumeur primitive et des aires ganglionnaires repose sur le scanner thoracique. Quand une intervention chirurgicale est envisageable, il est recommandé que tout ganglion médiastinal dont le plus petit diamètre dépasse 1cm soit biopsié. La méthode adéquate, médiastinotomie antérieure, médiastinoscopie, thoracoscopie ou biopsie transbronchique, dépend, entre autres, du siège des ganglions qui importent à la décision thérapeutique. Il est probable qu’à l’avenir la tomographie à émission de positons contribuera à réduire davantage le nombre de thoracotomies inutiles.
Tout épanchement pleural doit être prélevé pour analyse cytologique.
Le bilan d’extension à distance comprend systématiquement un scanner du foie et des surrénales et une imagerie du cerveau. La découverte d’une tumeur isolée dans le foie ou dans une surrénale doit conduire à une biopsie pour éliminer une métastase quand une intervention chirurgicale est par ailleurs envisageable.
Du fait de sa trop faible spécificité, une scintigraphie osseuse ne doit être faite qu’en cas de douleurs osseuses, d’augmentation des phophatases alcalines ou d’hypercalcémie, et encore seulement à la condition que le résultat ait une influence sur la décision thérapeutique. Aucun marqueur sérique n’a d’utilité prouvée.
4. La classification
La classification TNM s’applique à tous les types histopathologiques de cancers bronchiques. Mise à jour en 1997, elle est fondée sur le pronostic, plus précisément sur la survie globale.
T (tumour)
T0 : absence de tumeur
Tis : carcinome in situ
T1 : tumeur de moins de 3 cm, entourée de poumon ou de plèvre, sans envahissement proximal de la bronche souche
T2 : tumeur de plus de 3 cm, ou tumeur qui atteint la plèvre viscérale ou la bronche souche, tout en restant distante de plus de 2cm de la carène, ou atélectasie étendue à la région hilaire mais non à tout le poumon
T3 : tumeur qui envahit la paroi thoracique (y compris le sommet), le diaphragme, la plèvre médiastinale ou le péricarde, ou tumeur proche (< 2 cm) de la carène (sans l’envahir);
T4 : tumeur qui envahit le médiastin, la carène, les gros vaisseaux, le cœur, l'œsophage ou la trachée, ou tumeur qui est accompagnée d’un épanchement pleural ou péricardique métastatique, ou encore d’un nodule satellite dans le même lobe pulmonaire
N (node)
N0 : absence de métastase aux ganglions régionaux
N1 : péri-bronchiques ou hilaires homolatéraux
N2 : métastases aux ganglions médiastinaux homolatéraux ou sous-carénaires
N3 : métastases aux ganglions médiastinaux ou hilaires controlatéraux, ou aux ganglions sus-claviculaires
M (metastasis)
M0 : absence de métastase à distance
M1 : présence de métastase à distance (y compris un nodule satellite dans un lobe pulmonaire non envahi par la tumeur primitive)
Définis en fonction des classes pronostiques T, N et M, les stades sont eux-mêmes fondés sur le pronostic. Classes et stades TNM sont imparfaits pour trois raisons. D’abord le pronostic des cancers bronchiques peut encore être hétérogène au sein d’une classe ou d’un stade. Ensuite les classes et stades TNM ne sont pas conçus pour fonder de façon simple les indications thérapeutiques.
Enfin le pronostic et les indications thérapeutiques des cancers non à petites cellules, d’une part, et des cancers à petites cellules, d’autre part, sont incomparables.
5. Stades et pronostic des cancers non à petites cellules |
|
Fréquence |
Survie à 5 ans |
Stade I : |
25% |
|
IA : T1N0M0 |
|
60% |
IB : T2N0M0 |
|
38% |
|
|
|
Stade II : |
10% |
|
IIA : T1N1M0 |
|
34% |
IIB : T2N1M0 ;
T3N0M0
|
|
23% |
|
|
|
Stade III : |
35% |
|
IIIA : T3N1M0
T1-3 N2M0 |
|
10% |
IIIB : T4N0-2 M0
T1-4 N3M0 |
|
5% |
Stade IV
30% des cancers non à petites cellules sont découverts à un moment où il existe des métastases à distance. Le taux de survie à 5 ans est alors quasi nul.
|
|
|
Les moyens thérapeutiques des cancers bronchiques non à petites cellules
|
|
1. La chirurgie
Selon le siège de la tumeur et son extension, le chirurgien recourt à une lobectomie, une bilobectomie ou une pneumonectomie. Un curage médiastinal homolatéral y est associé, même si son étendue est controversée. La voie d’abord privilégiée est une thoracotomie postéro-latérale. Il faut compter avec une mortalité post-opératoire immédiate de l’ordre de 5% (3% en cas de lobectomie, après un bilan pré-opératoire soigneux).
Chez des patients d’une opérabilité limite, une segmentectomie, voire une résection atypique („wedge resection“) peuvent être considérées.
2. La radiothérapie
Une radiothérapie exclusive à visée curative ne devrait pas délivrer moins de 60 Gy dans la tumeur primitive, ses extensions et les aires ganglionnaires hilaires et médiastinales homolatérales. Le volume cible comprend par ailleurs les deux creux sus-claviculaires, qui reçoivent 45 Gy.
Dans une radiothérapie adjuvante, la dose délivrée dans le médiastin est de 45 Gy. Les effets indésirables de la radiothérapie sont le plus souvent modérés: une oesophagite, une toux irritative n’entraînent que rarement l’arrêt du traitement.
3. La chimiothérapie
Les médicaments considérés comme actifs dans les cancers non à petites cellules sont le cisplatine et le carboplatine, l’ifosfamide, la mitomycine C, la vinorelbine, le paclitaxel et le docétaxel, la gemcitabine et l’irinotécan. La référence reste une association de deux médicaments, dont un sel de platine.
|
|
|
Les indications thérapeutiques des cancers bronchiques non à petites cellules
|
|
1. Stades I, II et IIIA (N1)
L’exérèse chirurgicale est le traitement de choix. Cependant moins de 50% des patients sont opérables du point de vue de leur état général. Chez les patients atteints à un stade I ou II qui ont une contre-indication à l’intervention chirurgicale, le traitement de référence est la radiothérapie. L’association chimiothérapie-radiothérapie n’est pas validée dans cette situation.
Une chimiothérapie néoadjuvante, pré-opératoire, ou adjuvante, post-opératoire, n’est pas un standard, et ne devrait être administrée que dans le cadre d’essais cliniques. Sont à l’étude les associations du cisplatine avec la vinorelbine, le paclitaxel ou la gemcitabine.
La radiothérapie adjuvante, post-opératoire, n’est pas non plus un standard. Si la résection chirurgicale est incomplète, elle paraît légitime, dans le but de diminuer le risque de progression locale. Les modalités d’une radiothérapie post-opératoire sont discutées (fractionnement classique ou hypofractionnement, voire CHART). En cas de résection complète, il n’y a pas lieu de réaliser une radiothérapie; il se pourrait qu’elle fût délétère dans les stades I et II.
2. Stade IIIA (N2) ou stade IIIB (T4N0-2) potentiellement résécable, chez un patient opérable Un stade IIIA (N2) doit aujourd’hui être considéré comme potentiellement résécable après un traitement d’induction non chirurgical. Il en est de même de certaines tumeurs classées T4 (N0-2) qui envahissent des structures médiastinales ou la colonne vertébrale thoracique. Le traitement doit intégrer la radiothérapie, la chimiothérapie et la chirurgie.
Si l’atteinte des ganglions médiastinaux homolatéraux ou sous-carénaires est radiologiquement manifeste, ou peut être établie par une biopsie ganglionnaire (sous médiastinoscopie, par exemple), l’intervention chirurgicale ne sera pas le premier temps thérapeutique. Deux options sont alors ouvertes, de prèfèrence dans le cadre d’un essai clinique :
a/ une chimiothérapie néoadjuvante, avec du cisplatine en association, précédant :
- l’intervention chirurgicale, qui est suivie
- d’une radiothérapie et/ou d’une chimiothérapie post-opératoires;
b/ une radiochimiothérapie concomitante (30 à 45Gy - cisplatine ou carboplatine en association) précédant :
- l’intervention chirurgicale, qui est suivie
- d’une chimiothérapie adjuvante et,
- éventuellement, d’un complément de radiothérapie thoracique (jusqu’à 60 Gy) et d’une irradiation prophylactique cérébrale.
3. Stade III chez un patient non opérable, ou stade III considéré définitivement comme non résécable.
L’association de 2 à 8 cycles d’une chimiothérapie comprenant du cisplatine et d’une radiothérapie est le traitement de référence. Par rapport à la radiothérapie exclusive, elle réduit la mortalité de 10%, améliore la durée médiane de survie de 2 mois, et augmente la survie à 2 ans de près de 15%. Les meilleures modalités du traitement (chimiothérapie-radiothérapie concomitante ou en séquence, CHART….) ne sont pas encore établies.
Un stade IIIB par atteinte pleurale confirmée est rarement une mauvaise indication de radiothérapie, et a avntage à être traité comme un stade IV.
4. Stade IV
Le traitement de référence est une polychimiothérapie comprenant du cisplatine. La chimiothérapie apporte un allongement de la survie de 10% à un an, un allongement de la médiane de survie de 1,5 mois et une amélioration de la qualité de vie.
L’apport des nouvelles molécules est important aussi bien chez les patients non prétraités (vinorelbine, gemcitabine et paclitaxel) que chez les patients prétraités (docétaxel, irinotécan).
Exemples de chimiothérapies de première ligne (patients non prétraités) :
Cisplatine-vinorelbine : taux de réponse: 25-30%
Cispaltine-paclitaxel : taux de réponse: 26-44%
Cisplatine-gemcitabine : taux de réponse: 31-41%
Carboplatine-paclitaxel : taux de réponse: 22-27%
Protocole GERCOR B00
Etude d’une chimiothérapie complémentaire associant Taxol®-Paraplatine après RT-CT concomitante dans les carcinomes bronchiques non à petites cellules Responsables : Pr Jean-François Morère, Dr Philippe Colin, Dr François Guichard.
|
|
|
Stades et pronostic des carcinomes à petites cellules
|
|
Deux stades sont définis de façon pragmatique, en fonction d’un critère de faisabilité thérapeutique: un stade localisé et un stade étendu.
1. Stade localisé
On dit d’une tumeur qu’elle est à un stade limité quand elle peut être incluse en totalité dans un seul champ de radiothérapie. A cet effet elle doit être confinée à un hémithorax et aux ganglions lymphatiques régionaux (médiastinaux, hilaires homo- et controlatéraux, sus-claviculaires homolatéraux, voire controlatéraux, pour certains).
2. Stade étendu
Toute tumeur qui ne répond pas aux critéres précédents est dite à un stade avancé, y comprise une tumeur étendue à la plèvre homolatérale.
Avec un taux de survie globalement inférieur à 25% à 2 ans, le pronostic des cancers à petites cellules est grevé par:
-des facteurs généraux liés au patient: indice de performance altéré, perte de poids, sexe masculin, âge dépassant 70 ans, intoxication tabagique, race noire;
-le stade étendu de la tumeur;
-des facteurs biologiques: augmentation des LDH, pancytopénie.
Dans un cancer à petites cellules à un stade localisé, on peut espérer obtenir une survie de 2 ans avec une association de chimiothérapie et radiothérapie; une survie à long terme est improbable. A un stade étendu, une survie de 2 ans est rare.
|
|
|
Les moyens thérapeutiques des cancers bronchiques à petites cellules
|
|
1. La chimiothérapie
Les médicaments considérés comme actifs dans les cancers bronchiques à petites cellules sont le cisplatine et le carboplatine, l’étoposide, les anthracyclines et le cyclophophamide. La référence est l’association de cisplatine et étoposide.
2. La radiothérapie
Le volume cible thoracique comprend la tumeur et ses extensions, les aires ganglionnaires hilaires et médiastinales homolatérales, les aires médiastinales et hilaires controlatérales et les ganglions sus-claviculaires des deux côtés. La dose administrée est variable entre 45 et 60 Gy selon le mode, alterné (la radiothérapie étant administrée par séries de 15 à 20 Gy entre les cures de chimiothérapie) ou concomitant, de l’association chimiothérapie-radiothérapie.
Exemple de schéma concomitant
Quatre cycles de chimiothérapie par: cisplatine, 60mg/m² J1 étoposide, 120 mg/m² J1,2,3
J1=21
Radiothérapie: 45 Gy en 3 semaines, selon un rythme bifractionné (2 x 1,5Gy par jour, 5 jours par semaine)
3. La chirurgie
Les indications d’une intervention chirurgicale sont marginales dans les cancers bronchiques à petites cellules.
|
|
|
Les indications thérapeutiques des cancers bronchiques à petites cellules
|
|
1. Stade localisé
Le traitement de référence est une chimioradiothérapie. Il existe des arguments pour privilégier une radiothérapie précoce et un schéma de radiothérapie-chimiothérapie alternée ou concomitante. Un schéma concomitant semble être plus efficace, mais au prix d’une plus grande toxicité, notamment sanguine et digestive.
Chez des patients en rémission complète à la fin de la chimioradiothérapie, une irradiation prophylactique cérébrale augmente la survie sans maladie et sans métastases cérébrales. Et elle augmente la survie globale à 3 ans de 5,4%.
2. Stade étendu
Le traitement de référence est une polychimiothérapie de 6 mois.
Exemples de polychimiothérapies à un stade étendu :
CAV (cyclophosphamide, adriamycine, vincristine) : taux de réponse 50-60%
EP (étoposide, cisplatine), PCAE (cisplatine, cyclophosphamide, adriamycine, étoposide) : taux de réponse : 60-80%
Cisplatine-irinotécan (ASCO 2000).
|
|
|
|
|
|
|
|
|